Septembre 1914 : La bataille de Mamey (1).
Fin août, les armées français sont établies en position défensive sur le Grand Couronné. Ce secteur qui s’étend entre la Meurthe et la Seille et qui couvre Nancy, est appelé le Grand Couronné car il comporte une série de collines (de 300 à 400m) qui vont de Ste Geneviève au nord jusqu'à Dombasle au sud. La bataille pour Nancy s’engage. Les Allemands ont à leur disposition environ 350 000 hommes, les Français 225 000. L'armée sous les ordres du général DE CASTELNAU est toute particulièrement visée car elle est affaiblie par le départ d'importants corps d'actifs et leur remplacement par des corps de réserve.
La 73e division avec ses deux brigades (145e et 146e) est sur le plateau de Saizerais couvrant la gauche de l'armée du général Castelnau qui défend Nancy. Elle a devant elle Pont-à-Mousson Mamey Lironville.
C'est la 146e brigade (avec ses trois régiments de réserve) qui s'étend en arc de cercle sur le secteur de Mamey. Le 368e régiment d'infanterie revient s'installer début septembre à Mamey, à sa droite le 367e RI jusqu'à Pont-à-Mousson et à sa gauche le 369e RI vers Lironville et Noviant. Elle sera épaulée au cours du mois de septembre par trois régiments d'actifs de la place militaire de Toul, les 167, 168 et 169e RI. La 145e Brigade est envoyée renforcer les défenses de Nancy, elle ira ensuite sur les côtes de Meuse et la région de St Mihiel.
Carte de l'État-major 1820-1866. On peut avoir une idée plus exacte de la couverture boisée où progressent les combattants. On remarquera que les villages détruits de Regniéville, Remenauville qui aujourd'hui sont en plein bois, sont au milieu des champs au XIXè siècle.
2 septembre (JMO 368e RI p9)
"A 9h50 le gouverneur de Toul téléphonait au colonel commandant la 146e
brigade d'infanterie "Tenez vous prêt à quitter cantonnement au premier signal ordre vont suivre" A 14h30 les ordres arrivaient le
5e bataillon du 368e et l'État Major à Mamey, le 6e Bataillon à Domèvre à la disposition de la
73e Division, quartier général de la division à Domèvre,
État Major de la Brigade à
Manonville. Le 368e établit à Mamey est en relation à la Ferme St Pierre avec le 367è qui occupe
Pont à Mousson et aux Quatre Vaux avec le 369e qui est sur Noviant, Manonville."
3 septembre (JMO 73e Division p20) "Dans la matinée une escarmouche a lieu au Nord Est de
Pont à Mousson. Une section du 367e se rendant au Xon se fait accueillir par une fusillade ennemie. Dans l'après midi vers 17 h avis est donné au QG par le receveur des postes de Thiaucourt qu'un peloton de
uhlans s'avançait dans la région de Regniéville, Viéville,
Vilcey."
Du 4 au 13 septembre 1914 : La bataille du Grand Couronné.
Elle commence le 4 septembre sur la rive droite de la Moselle et l’effort allemand se porte sur Sainte-Geneviève, qui doit être abandonné
et le mont d’Amance puis la forêt de Champenoux. L'ojectif est la prise de
Nancy. Les villages passent de mains en mains
et la situation est critique. Le général Castelnau envisage même de se replier sur
les avancées du camp retranché de Toul. Le 5 septembre la bataille s'étend sur la rive gauche de la Moselle. Les Français font sauter le pont pour tenter de ralentir l'avancée allemande qui progresse cependant dans la vallée jusqu'à Belleville. 5 septembre (JMO 73e Division p21) "A partir de 8 h réception à Domèvre de renseignements émanant du 367e à Pont à Mousson faisant connaître que Pont à Mousson est attaqué par la rive gauche et la rive droite de la Moselle. Le pont saute à 11h 30 et le 367e se retire vers Dieulouard, le 368e se retire sur Mamey." |
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5 septembre : Le 368e RI a ordre de résister sur l'auberge St Pierre mais il est mis en difficulté par de violents bombardement; son artillerie ne tient pas. Il doit de replier dans l'après midi au nord de Mamey, puis le soir plus au sud.
Extrait du livre de Gaston Charles PORTA. (Champey 1902 - Nancy 1956) Ordonné prêtre en 1927, il a été curé de Mamey, Limey, Lironville en 1930 puis à Pannes en 1935. Il raconte dans son livre "Les loups devant le bois le Prêtre", les combats de septembre tirés des témoignages des habitants et des anciens soldats qui reviennent tous les ans participer aux cérémonies de Lironville.
Le 5 septembre au matin, les habitants de Mamey voient
déboucher de la forêt de Puvenelle un incroyable cortège de fuyards chargés
de menu bagage. Ils ont quitté Pont à Mousson à la première heure et ont
remonté les pentes de Montauville à travers bois.
- Où allez vous, leur demande-t-on ?
D'un geste vague ils montrent les colline de Toul, toutes bleues à l'horizon.
En savent-ils davantage ? On leur a dit : Fuyez ! Les Allemands
arrivent ! .. Ils sont partis, la peur aux talons, sans réfléchir, allant
d'instinct vers la place forte où il y a des soldats, des canons et aussi des
trains qui les emmèneront loin, bien loin, là où les balles et les obus
n'atteignent plus.
- Où sont-ils demande-t-on encore.
- Tout près ! ...Ils arrivent ... Ils arrivent ! ...
Que se passe-t-il ? ...
Devant Pont-à-Mousson, des colonnes ennemies s'avancent, des
troupes fraîches, qui descendent les deux rives de la Moselle sous les ordres
du général Von Strantz ... Les petits postes du 367e se replient sur leur
bataillons et signalent qu'ils ont devant eux des forces considérables.. Enfin,
les derniers renseignements recueillis par nos éclaireurs, dans la région de
Fey en Haye, ne sont pas rassurants : de nouvelles colonnes ont suivi la vallée
du Rupt de Mad et se préparent déboucher devant Mamey.
A Mamey on ne sait rien de tout cela et on se rassure ; il y a deux cannons dans
un creux de terrain à l'ouest du village, des soldats passent et couronnent les
crêtes ; ils sont peu nombreux , c'est vrai, mais sûr d'eux mêmes. En faut-il
davantage pour reprendre confiance ? ... Aussi, sans souci, on rentre les
deuxièmes coupes de foin.
Sur Mamey, l'action se déclenche à 3 heures ; elle est
précédée d'un violent bombardement... Les shrapnels éclatent au dessus de
nos lignes, et arrosent nos éléments d'infanterie, nos fantassins à leur tour
se replient... Un officier traverse le village :
-Fuyez ! ... Ils seront là dans une heure....
Fuir ! ... On hésite encore. Partir, c'est livrer la maison au
pillage et puis pour avoir travailler la même terre des générations durant,
les paysans voient se créer entre elle des liens invisibles : pour les rompre,
c'est tout un drame.
Pourtant le temps presse ; à chaque instant passe des groupes en repli, il faut
les suivre. Il y a des scènes déchirantes ; certains partent qui
voudraient rester, d'autres restent qui voudraient partir.
Pendant ce temps les Allemands sont entrés à Mamey où restent
70 personnes. Ils se sont infiltrés dans les bois La Lampe et de Puvenelle et
ont débouché en masses profondes que n'arrivent pas à arrêter nos feux
d'infanterie. A 5 heures , ils sont aux clôtures des jardins ; des patrouilles
entrent dans les rues où règne un silence de mort et, peu rassurées par leur
prompt succès s'avancent pas à pas en rasant les murs. Le gros des forces
encercle le village et soudain des clameurs sauvages éclatent : Une section a
gravi au pas de course le chemin raide qui conduit à l'église et a atteint la
crête ; c'est leur victoire que célèbrent les vainqueurs...
Un officier fait rassembler les hommes du village dans l'église et les y
enferme en disant : - C'est pour votre sécurité et pour la nôtre ! Il y
a des mots vraiment savoureux. Désormais aucune résistance n'est plus possible
et le pillage méthodique commence pour se poursuivre tard dans la
soirée...
Les pillards entassent leur butin au pied de la croix de mission qui devient le
centre d'une manière de marché en plein vent. Toutes les provisions faites en
vue de restrictions probables s'y amoncellent , tout ce qui se mange, tout ce
qui se boit et aussi tout ce qui a pu tenter la cupidité des vainqueurs. Des charrettes
sont là qui attendent ; des équipes les chargent et elles
s'enfoncent dans la nuit vers Thiaucourt...
A Mamey, dans les maisons sans lumière, on tremble et , sur le plateau, les blessés
abandonnés dans les champs essaient en vain de s'accommoder de leurs maux ou achèvent
de mourir.
Les adversaires : Le général Dubail à la tête de la Première Armée, le général Lebocq de la 73e division et le général Von Strantz commandant le cinquième corps d'armée allemande.
Le 6 septembre une cinquantaine de uhlans font abreuver leurs chevaux dans le lit du ruisseau de Martincourt. Les cavaliers allemands sillonnent les bois et poussent même une pointe jusqu'à Gézoncourt et les lisières de Rogéville (op.cit).
Flirey, Limey, Lironville sont occupés par les Allemands. Une attaque en force allemande est engagée, elle contraint les troupes françaises à se replier.
Extrait de l'historique du 168e RI
"Le 5 septembre, un régiment de marche est constitué avec des éléments de
garnison de Toul. Ce Régiment commandé par le colonel Lebocq, comprend le 1er bataillon du 168e Régiment d'infanterie,
une partie du 2e et un bataillon du 169e Régiment d'infanterie. Il est mis à la disposition de la 73e D.I. de réserve, qui résiste vers
Martincourt.
C'est le 6 septembre que le 168e reçoit le baptême du feu. Après avoir pris position devant Manonville et au Bois de la
Rappe, il est attaqué le soir du 6 et durant la matinée du 7, par des forces très supérieures. Les
bataillons, soumis à un violent feu
d'artillerie, lâchent un peu de terrain, mais se ressaisissent et, pendant deux jours, tiennent sur place, vers le Bois de la Côte-en-Haye."
6 septembre (JMO 368e RI p10) "Le régiment à
ordre de tenir solidement la ligne St Jean, Martincourt, Ferme de Nanzeville, et
tous les accès et communication à travers la forêt de Puvenelle, le grande
transversale Mamey Jezainville par la pépinière et de requérir des guides
connaissant la forêt de Puvenelle. Vers 6h30 on signale que deux sections
d'infanterie ennemie en formation de combat venant de Fey en Haye ont franchi la
route Pont à Mousson Mamey et marchent sur Mamey.
Le tir des mitrailleuses allemandes ne tarde pas à mettre un assez grand nombre
d'hommes hors de combat. Notre tir arrête toute progression de la part des
Allemands mais les pertes devenant très sensibles le feu diminue de notre côté. Une seconde batterie ennemie vient d'ouvris le feu. Notre artillerie ne
donne pas signe de vie. Le lieutenant colonel dans ces conditions donne un ordre
de repli à la lisière sud du bois de Nanzéville.... L'ennemi ayant occupé Mamey
en force, les compagnies de la forêt de Puvenelle gagnent Gézoncourt."
6 septembre (JMO 168e RI p9) "7 H - De gros nuages de poussières sont aperçues
près de Mamey sur la route de Fey Mamey provoquée sans doute par le passage de
l'artillerie ennemie. 8 H L'artillerie allemande installée aux environ de
Mamey envoie ses premiers obus sur Martincourt. 10 h 35 Les obus allemands
s'abattent sur les fractions du 368e installé immédiatement à l'est de la
route Martincourt Mamey, les mitrailleuses allemandes entrent ensuite en action
puis une ligne épaisse de tirailleurs allemands franchit la crête orientée
sud-ouest-nord-est située à 1 Km sud de Mamey appuyée à sa droite par une compagnie en
colonne par 4 qui longe le bois, se portant à l'attaque du 368e Régiment sur
le front Nanzéville cote 311 crête immédiatement au nord de Martincourt. 16 H
le régiment reçoit l'ordre de se replier sur la ligne Tremblecourt bois de la
Côte-en-Haye".
6 septembre (JMO 168e RI p11) "Ordre reçu La 73e division tiendra à tout prix
sur le front Saizerais - les 4 Vents - Rozières en Haye - bois de la Côte-en-Haye pour empêcher les défenses du Grand Couronné de Nancy d'être débordées
par l'Ouest. Le colonel Lebocq ayant pris le commandement de la 73e
division, le commandant Couthaud prend le commandement du régiment".
6 septembre (JMO 169e RI p17) "Le 2è Bataillon du 169e arrivé à minuit 30 à
Manoncourt part à 5 heures pour aller sur Martincourt, St Jean. Violemment
attaqué par les Allemands venant de Mamey le bataillon est obligé de se
replier. Le soir il se reforme à Manoncourt puis se porte à Avrainville où il
cantonne."
Le 7 septembre au petit jour le combat reprend de plus belle. La 145e brigade qui avait été retirée le 3 septembre pour aller garder les ponts de la Meurthe, est ramenée en hâte de Nancy pour assurer la relève, mais derrière les unités de ligne c'est le désarroi, les renseignements qui parviennent sont contradictoires, on ignore où est l'ennemi. Le 8 septembre le village de Rogéville est violemment bombardé mais l'avance allemande est terminée sur ce secteur et, malgré notre recul les Allemands ne profitent pas de leur succès. (op.cit). Ce jour là, le général Castelnau confie au général Édouard Ferry la mission de dégager le Grand Couronné avec 10 bataillons et 12 batteries de renfort. Du 8 au 11, Ferry rétablit la situation.
8 septembre (JMO 368e RI p14)
"Le 368e régiment a ordre de continuer à organiser le centre de résistance de la croupe sud-est de Villers en Haye. Les compagnies du 5e et 6e bataillon perfectionnent les travaux de fortification déjà crées, mais sans quitter la tranchée par précaution contre l'artillerie allemande du plateau de Mamey."9 septembre (JMO 368e RI p14) "Le régiment reste sur ses emplacements, la batterie lourde qui s'était dévoilée la veille à l'ouest de la forêt de Puvenelle paraît s'être déplacée."
Les 9, 10, 11, 12, septembre les 168e et 169e RI sont retirés du secteur pour aller protéger Nancy et se battre sur Champenoux, où ils seront décimés. De nombreux éléments de la 73e division et son état major partent pour St Mihiel pour bloquer l'avancée allemande vers les côtes de Meuse et le fort de Troyon. Le 12 septembre, les Allemands commencent leur retraite jusqu’à la Seille. La victoire de la Marne qui se dessine oblige les Allemands à se replier. Plusieurs villages et la forêt de Champenoux sont repris. Le 13, la bataille du Grand-Couronné est achevée.
Pont-à-Mousson et Lunéville sont repris sans combat. Les 168e et 169e RI reviennent sur le secteur de Toul.
C'est pendant la bataille de Champenoux que sont tués le 11 septembre, Armand PARISSE, sergent au 168e RI, instituteur à Mamey et le 14 Arthur MARON caporal au 168e RI.
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