Décembre 1914 : Bois le Prêtre et Mort Mare.

Sur le front de la 73e division d'infanterie, les ennemis s'observent, chacun voulant connaître les intentions de l'autre. Le premier décembre un ballon captif français surveille le secteur de Flirey, et des avions participent au réglage des tirs d'artillerie.

7 décembre 1914 : JMO de la Première Armée page 45 " Continuant l'exécution de la mission qui lui a été confiée le 3 octobre : chasser les Allemands de la partie des Hauts-de-Meuse où ils sont installés et où ils se sont fortifiés, la 1e armée entreprend l'attaque du bois de Mort-Mare dont la possession lui permettrait de battre efficacement par son canon les lignes de communication et de ravitaillement des forces ennemies établies autour de St Mihiel.
L'attaque principale doit être exécutée par une brigade du 31e corps  et par une attaque contre la corne sud-est par la 73e division. 
Elle doit en outre être précédée de démonstration sur le Bois le Prêtre.... Une importante artillerie lourde est mise en place pour préparer et soutenir ces attaques." 

Le mois de décembre est marqué par la poursuite des combats au Bois le Prêtre, combats qui permettent une légère progression et par ceux de Mort Mare qui ne donnent pas de résultats significatifs. Entre ces deux zones d'affrontement les soldats de la 146e brigade qui ne qui ne sont pas en première ligne s'activent à la poursuite des fortifications  tout au long de la route Commercy - Pont-à-Mousson.

Mamey devient un lieu de cantonnement pour les soldats qui sont en repos ou en réserve pour les combats du Bois le Prêtre.  Le colonel Riberpray qui commande la brigade mixte y a installé son poste de commandement et prépare la nouvelle attaque sur le Bois le Prêtre.

Une large offensive est menée au Bois le Prêtre du 7 au 10 décembre, le but étant de prendre le secteur de la maison forestière du Père Hilarion.  Les lignes allemandes formant une avancée entre  les routes de Montauville et de Pont-à-Mousson il y avait là un saillant qu'il fallait réduire.

L'attaque débute le 7 décembre 1914, avec sept bataillons pris dans les 167e (3e bataillon), 346e, 353e, 369e régiment d'infanterie et le 47e régiment d'infanterie territorial. C'est le lieutenant colonel Pourel (commandant le 353e RI), qui coordonne l'attaque

 Cet objectif sur lequel avaient échouées les attaques de novembre est atteint la 10 décembre.

A la surprise générale, les Allemands voyant leurs lignes de défenses enfoncées abandonnent le terrain et vont fortement reculer. C'est un gain de 600 à 1200 mètres sur un front de 4 kilomètres qui est réalisé, laissant espérer une progression sur l'ensemble du bois. La route  de Vilcey est atteinte le 12 et quelques patrouilles  vont même s'aventurer jusqu'à la lisière nord du bois. 

Les Allemands se retranchent sur la ligne de crêtes, sur un axe qui va  de Fey en Haye  à Norroy en passant par la Croix des Carmes (372 m). 

C'est la nouvelle ligne des combats du Bois le Prêtre durant les 4 années qui vont suivre.

Pendant dix mois, plus de 150 actions défensives et offensives seront conduites au Bois-le-Prêtre. Plus de 7000 Français et tout autant d'Allemands y trouveront la mort ce sera pour les Allemands le Witwerwald, (le "Bois des Veuves"). 

Le service de santé de la première Armée relève le 11 décembre que les Allemands retournent les balles dans les douilles, un procédé interdit par la convention de Genève.

 

Si les combats du Bois le Prêtre connaissent un relatif succès, il n'en est pas de même pour ceux qui se déroulent près de Flirey. Le 11 décembre 2 bataillons du  167e RI, alors en réserve à Royaumeix, sont  mis à la disposition de la 128e brigade (31e corps d'armée) pour participer aux opérations visant à la réduction du bastion de Mort Mare. Les bataillons du 167e doivent aller à l'attaque du  bois de la Sonnard. 

Le mois de décembre 1914 est épouvantable dans la région. La boue de la Woêvre rend difficile les manœuvres. L'attaque est différée jour après jour, elle s'engage le 12 décembre. La 146e brigade du colonel Florentin attaque sur Mort Mare. 

12 décembre 1914 : JMO de la Première Armée page 46 " "Affaire du bois de Mort-Mare - Dans le secteur de Woëvre déclenchement de l'attaque sur le bois de Mort-Mare . Le poste de commandement  du général commandant la première Armée  est à Royaumeix.  La 128e brigade (31e corps d'armée) prononce une attaque contre les tranchées allemandes situées sur la croupe au nord du bois de Renières. Malgré le terrain extrêmement glissant et détrempé, cette brigade parvient rapidement à s'installer dans ces tranchées, elle repousse une première contre attaque mais est rejetée à son tour vers 17 heures par une deuxième qui débouche du bois de la Sonnard et perd environs 250 prisonniers enlisés dans la boue. L'ennemi ne peut poursuivre son succès, ses tentatives d'offensives sont immédiatement enrayées". 

L'attaque est reprise le lendemain mais elle très vite stoppée par la violence du feu allemand et par l'état du terrain.

Le mouvement des bataillons du 167e est rendu long et très pénible par l’état du terrain, la boue épaisse et glissante s’opposant au franchissement. Des tranchées de première ligne allemande, la fusillade cloue sur place les fantassins. Le commandant du secteur d’attaque décide de suspendre ce mouvement.

Les soldats sont épuisés et démoralisés.

La fin du mois est marqué par une accalmie dans les combats, on en profite pour renforcer les défenses. 

Le jour de Noël est une journée comme les autres du côté français, mais dans le journal de la 145e brigade on note que des chants sont entendus dans les tranchées allemandes du côté de Remenauville et Regnièville.

 

Au delà des évènements guerriers, c'est la vie du militaire en campagne qui doit s'organiser. Tous ont bien compris que contrairement à ce qu'il avait été envisagé, la guerre serait longue et impitoyable. A partir de novembre les cas de typhoïde sont de plus en plus nombreux. Une conférence médicale à Toul attribue cette épidémie au manque d'hygiène. 

Des vaccinations sont organisées à St Jacques (moulin de Heymonrupt)

Les conditions de vie des hommes de troupe sont de plus en plus difficiles. Le terrain est difficile, les conditions météorologiques se dégradent. Le Médecin de la Brigade relève "...qu'un certain nombre d'hommes dans les tranchées n'ont pas de couvertures, et en raison du refroidissement de la température, souffrent du froid. J'ai l'honneur de demander, pour éviter une explosion de maladies saisonnières, que chaque homme reçoive le plus tôt possible une couverture"... "Certaines unités manquent de paille dans les tranchées ou les abris. Pour les mêmes raisons que pour les couvertures, j'ai l'honneur de demander qu'il en soit distribué le plus tôt possible".

Rapport dans le service santé de la première armée sur l'état de l'infirmerie régimentaire installée à Mamey.


Témoignage d'Henri Cazin (cultivateur, soldat à la C.H.R du 169e R.I. comme cuisinier, il a 35 ans lorsqu’il rejoint le centre mobilisateur de Montargis d’où il part le 23 décembre 1914. 


Henri Cazin : « Nous passons à Gray, Langres et arrivons à Toul le 24 à midi pour repartir à 4 heures. Nous prenons le tramway de Thiaucourt, nous descendons à Manonville, nous nous rendons à pied à Martincourt, je couche sur une pile d’avoine, fatigué par 36 heures de chemin de fer, je passe une bonne nuit. Je soupe une fois couché d’un morceau de pain et de fromage et d’un quart de vin rouge. C’est mon réveillon ». 

Henri Cazin rejoint Mamey le 25 décembre. En ce jour de Noël, il assiste à une messe célébrée dans une église abîmée par les bombardements. 

HC : « pendant la messe de Noël, un lieutenant chante « Minuit Chrétiens », l’église est comble, on écoute aux portes. Dans cette église trouée par les obus c’est très impressionnant. Le village est occupé par la troupe, il ne reste que trois habitants ».

HC : « Je fais la soupe, nous nous restaurons sérieusement et à la lueur de la lanterne j’écris pendant la cuisson du souper. Le gîte est passable vu les circonstances. Je rencontre Portier à qui j’apprends sans le faire exprès la mort de son frère. Quelle terrible chose que la guerre ». 

Mercredi 30 décembre 1914 : « Je suis habitué à mes nouvelles fonctions. Nous touchons du chocolat et on nous promet du champagne pour le 1er janvier. Les canons de 120 à droite du pays font rage le matin. À la brune  nous assistons de loin à un duel d’artillerie sur les hauts de Meuse, c’est grandiose et terrible à entendre ».

http://lagrenouillememoire.blogspot.fr/2014/01/la-guerre-de-1914-1918-vecue-par-henri.html