Janvier 1915 : La guerre de tranchées s'est installée.
C'est dans le journal du 367e régiment d'infanterie que l'on trouve une référence au passage à une la nouvelle année. L'ordinaire est légèrement amélioré. Ce qui est confirmé par le journal d'Henri Cazin. Nous avons touché des vivres en supplément, des gâteries telles que vin rouge, champagne, cigares, fruits et quelques petits cadeaux, papier à cigarette, à lettre, etc.
Cependant la guerre est bien là, au Bois le Prêtre, depuis les succès qui l'ont amenée entre le 10 et 17 décembre en bordure de la tranchée de Vilcey , la brigade mixte prépare une action offensive ayant pour objectif la face sud du Quart en Réserve. Il n'y a pas de trêve et il faut occuper les tranchées, les renforcer afin de défendre ses positions tout en cherchant à avancer, même de quelques mètres.
Le 4 janvier 1915 le général Lebocq commandant la 73e division rédige son ordre 195, " Les opérations en vue de l'occupation de la partie nord du Bois le Prêtre se développeront selon le programme général ci après, sous la direction du colonel Riberpray, qui aura sous ses ordres toutes les troupes qui se trouvent dans son secteur....."
La progression se fait par un travail de sape fortement gêné par l'eau qui envahit les ouvrages.
Le 8 janvier 1915, alors que le général Dubail " quitte le commandement de la 1e armée pour prendre celui d'un groupe d'armée dit Groupe Provisoire de l'Est.... Le général Roques est nommé commandant de la première armée.". ( JMO de la Première Armée page 52), le colonel Riberpray installé à Mamey avec l'Etat-Major de la brigade mixte, lance une nouvelle offensive avec le soutien de l'artillerie de Mamey.
Les Allemands se sont retranchés sur les hauteurs du bois, ce qui leur donne des vues sur toutes nos positions. Cette partie, largement mamelonnée est appelée Quart en Réserve, Croix des Carmes. Elle est formidablement organisée en un réseau de tranchées où les lignes de défenses sont désignées par des lettres ou des chiffres relevant du marquage forestier. On va trouver dans les JMO et sur les cartes les ligne des A, des L, des C et des Z,, les lignes VIII, IX ...., les ouvrages A, L, G, ....
Ce jour là, l'offensive est encourageante, l'ouvrage allemand A5 est pris, proche de la tranchée forestière de Fey à l'endroit appelé "le Gros Chêne"
Le succès monte à la tête des officiers, le 11 janvier on imagine déjà l'occupation de tout le Bois le Prêtre. Le rédacteur du journal du 168e en vient même à mélanger le nom des divisions. Il parle de la 75e division au lieu de la 73e.
Les Allemands ne restent pas sans réagir et ils préparent leur contre offensive.
Le 12 janvier Mamey est fortement bombardé pendant 3 heures.
L'artillerie de Mamey réplique le lendemain.
17 janvier La brigade mixte déclenche une nouvelle offensive sur les ouvrages du Quart en Réserve et du bois la Dame.
Pour le 168e RI, les journées du 17 et du 18 janvier sont particulièrement pénibles. Ce sont les 1er et 3e Bataillons qui attaquent. Ils s'emparent de plusieurs lignes de tranchées de blockhaus et se maintiennent sur le terrain conquis malgré de violentes contre-attaques. C'est à nouveau l'occasion pour le colonel Riberpray de souligner les efforts du 168e : "Au cours de la préparation des attaques du 17 janvier, pendant six semaines de surmenage physique et moral, dû à l'insomnie, aux intempéries d'un hiver pluvieux, à une fusillade sans répit à bout portant, aux éclatements des projectiles variés qui déchiraient constamment l'air, les bataillons Begou (1er) et Chaumont (3e) se sont signalés par une endurance qui n'a jamais été dépassée dans les plus dures campagnes et que, seul a rendu possible le sentiment profond du devoir à accomplir jusqu'à la mort pour sauver la Patrie.". (Extrait de l'historique de 168e RI)
Plan du 95e régiment d'infanterie territorial (RIT) chargé d'aménager les ouvrages défensifs.
Compte tenu des violentes contre-attaques allemandes, des bataillons de renforts sont amenés à Mamey.
et des compagnies du 169e RI quittent Mamey pour rejoindre le bois Le Prêtre.
Le 19 Janvier les 3e et 5e Cies du 167e quittent leurs cantonnements de Mamey pour se placer en réserve du 168e d'infanterie, aménager les positions conquises, et à terme, relever les unités du 168e et du 169e en place dans le secteur d'attaque de gauche.
Le 20 janvier, à 14 heures, les Allemands exécutent une vigoureuse contre-attaque. Ils reprennent mètre par mètre la ligne des Z. Les renforts, partis de Mamey, parviennent sur place trop tardivement pour envisager une riposte.
L'attaque allemande du 20 janvier permet aux Allemands de reprendre une partie du terrain perdu en début de mois. Des canons sont pris par les Allemands, et l'artillerie de Mamey est touchée.
Dans son journal Henri Cazin (ci-dessous) met la destruction des deux canons sur le compte d'un espion qui a été fusillé. On ne trouve cependant pas trace de cela dans les JMO. « On a fusillé un espion qui faisait des signaux qui nous ont coûté deux pièces de 75 démolies et 2 artilleurs tués et plusieurs blessés ».
Les déboires du 20 janvier 1915 sont mentionnés dans le journal de la Première Armée page 56 : "Vers 16 heures, se produit un violent retour offensif des Allemands qui réussissent à reconquérir la contre garde L et à prendre pied dans une partie des retranchements Z (ouvrages Z5, Z7 et Z8) d'où le bataillons Chaumont était parti le 17 janvier. Nos troupes qui semblent avoir été surprises doivent abandonner un canon de 90, un canon de montagne de 80 et deux canons de 65 de débarquement".
Le 21 janvier, sous le commandement du lieutenant-colonel Mayran (168e), encore en charge du secteur, une tentative pour reconquérir le terrain perdu échoue et le 22 les attaque n'ont pas plus de succès. Dans les jours suivants la brigade mixte renonce momentanément à poursuivre ses attaques préférant consolider le terrain occupé.
Ce sont des compagnies du 95e RIT qui sont chargés des inhumations au Pétang
Témoignage d'Henri Cazin (cultivateur, soldat à la C.H.R du 169e R.I. comme cuisinier, il a 35 ans, en janvier 1915 il est stationné à Mamey
Janvier 1915
Vendredi 1er janvier : « Temps couvert menaçant tout n’est que boue. Les canons et les fusils se reposent presque, est-ce à cause du jour de l’an. On se souhaite la bonne année fraternellement. Bien qu’on ait foi en la victoire et qu’on reconnaisse la nécessité de tenir bon, on est en général fatigué et des intempéries et de ne pouvoir avancer plus vite. Nous avons touché des vivres en supplément, des gâteries telles que vin rouge, champagne, cigares, fruits et quelques petits cadeaux, papier à cigarette, à lettre, etc. Je reçois la visite de Jules Portier qui se repose pendant deux jours, il revient des avant postes. Nous cassons une croûte et prenons un jus ensemble. Je lui ai garni sa gamelle de choux et jambon que j’ai en rabiau ».
Mercredi 6 : « […] « Le soir, par une accalmie, je sors un peu vers 8 heures regarder les fusées éclairantes qui s’élèvent puis coulent comme une étoile filante en blanchissant les nuages. Un hangar attenant à notre cuisine s’écroule, la charpente a perdu l’équilibre, il faudra évacuer
la maison, celle du maire de
Mamey. Le chien n’a pas quitté la maison, je le soigne, il a l’air triste et semble de me dire : « Tu me soignes bien, mais tu n’es pas mon maître. »
Jeudi 14 : « […] Une compagnie du 168e se repose à côté dans le bâtiment. Plusieurs hommes viennent dans la cuisine et racontent un peu ce qui se passe en 1ère ligne : À un endroit dans le Bois
Le Prêtre, les tranchées sont approchées à 12 mètres de l’ennemi. Une des nôtres a tourné une tranchée allemande, de sorte que ceux qui l’habitent doivent ou mourir de faim ou se rendre. Les artilleurs arrivent avec une audace extraordinaire à placer leurs batteries à 60 mètres à peine des premières lignes adverses de façon à les prendre en enfilade. Les pièces de 90 sont démontées, passées dans les tranchées, dans les boyaux et remontées dans les emplacements préparés à l’avance d’où elles sont presque invisibles. Les pièces de 75 sont presque aussi près et quand tout sera prêt, ce sera l’attaque. Tout cela se fait la nuit car le jour il ne faut pas se montrer. Nos conducteurs mènent le soir la paille, les pieux, les fils de fer jusqu’aux premières lignes souvent à moins de 100 mètres de l’ennemi ».
Vendredi 22 : « Jour de St Vincent, on en parle et c’est tout. Belle journée, les aéros font une sortie au-dessus des nuages. On a fusillé un espion qui faisait des signaux qui nous ont coûté deux pièces de 75 démolies et 2 artilleurs tués et plusieurs blessés. Attaques et conte-attaques se succèdent ».
Samedi 23 : « Les nouvelles du front sont meilleures. Les tranchées prises les premiers jours de la semaine et reprises par l’ennemi sont définitivement à nous. Les pièces en mauvaises postures sont enlevées. Les hommes aux pieds gelés sont de plus en plus nombreux. Le moral est intact malgré cela, on ne voit pas de découragement ».
Dimanche 24 : « J’ai 36 ans, c’est vrai, mais rien autre chose ne signale ce jour particulièrement ».
Lundi 25 : « La fusillade et le canon m’ont réveillé quelques instants vers 3 heures. La journée se passe encore très calme. Pendant le ravitaillement, nous sommes croisés par une pièce de siège attelée de 16 chevaux. La neige tombe, l’attelage quitte la route et grimpe la côte à travers les champs, les chevaux ayant plus de pied. Hier soir au même endroit passait une batterie de 75 s’en allant au repos, les chevaux avaient belle allure et paraissaient très vifs. J’ai eu plaisir à les voir ».
http://lagrenouillememoire.blogspot.fr/2014/01/la-guerre-de-1914-1918-vecue-par-henri.html
Sur le front de la 73e division, au delà du bois le Prêtre, vers Limey et Flirey il n'y a pas de violents combats. C'est simplement la guerre avec sa routine quotidienne.
Le 4 janvier, le journal du 367e RI signale la dégradation militaire d'un soldat pour vol.
Le 8 janvier au nord du pont des Quatre Vaux une tempête endommage une tranchée couverte
A Pont-à Mousson on a l'idée d'abattre des arbres en espérant que la crue de la Moselle va les emmener vers Metz dans l'espoir qu'ils endommagent passerelles et pont de bois.
Le 11 janvier une embuscade est organisée près de Regniéville, à la fontaine Grignon, dans l'espoir de faire des prisonniers.
Le 14 janvier c'est un déserteur polonais qui rejoint les lignes françaises près de Flirey.
On s'observe en permanence, toutes les bizarreries sont relevées et c'est l'artillerie qui est la plus sollicitée.
Une artillerie qui se révèle parfois efficace. Ainsi le 18 janvier le JMO de la 73e division note qu'un tir des batteries installées au nord de la forêt de Puvenelle, dans le bois de Val Dieu a tué le général Von Grollmann dans les bois de Vilcey.
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Une artillerie qui parfois a des munitions défectueuses.
Dans le bois de Val Dieu ont été installés des canons de marine pour des tirs à longue distance.
Les avions sont de plus en plus utilisés pour l'observation et les réglages des tirs. Mais la météo et les problèmes techniques rendent leur emploi souvent aléatoire.