Mars 1915 : Guerre des mines au bois Le Prêtre

Pas un jour sans vives fusillades ni violentes canonnades, au bois le Prêtre la guerre des mines est de plus en plus intense.

Une réorganisation est opérée à la 73e division. Le 2 mars le 95e régiment d'infanterie territorial (RIT) est rattaché à la 146e brigade du colonel Florentin installée à Noviant-aux-Prés. La 145e brigade prend le contrôle du secteur Est du bois le Prêtre, de la Moselle à la croix des Carmes, par conséquence, la 146e brigade étend son secteur jusqu'à Lironville et le bois dit Le Brûlé.

Au bois le Prêtre, une violente attaque allemande est lancée le 15 mars.

A 7 h 30, les Allemands font exploser 30 fourneaux de mines sur Z4, Z5, Z10 et Z11, l'abri de la section de mitrailleuses entre Z10 et Z11, et la partie ouest de Z11 sont touchés. Les dégâts sont terribles. Les défenseurs de Z4 et Z5 sont ensevelis. Les deux sections en réserve  ouvrent immédiatement le feu et arrêtent l'offensive allemande. 

Extraits des souvenirs du Général MICHEL, ancien lieutenant de la 11e Compagnie.

"Le 15 mars est pour nous un jour tristement mémorable. Nos tranchées sont à 30 mètres environ des tranchées ennemies, surtout les ouvrages désignés sous les lettres Z10, Z11, Z4 et Z5. La guerre des mines est vive dans ce sous-secteur.
Depuis le 13 au matin, les hommes entendent distinctement les mineurs allemands qui sapent, très près de notre tranchée. Je m'assure du fait ; il est indiscutable que nous allons sauter. Le capitaine du Génie, prévenu, se rend sur les lieux mais arrive au moment où le mineur allemand a cessé de travailler ; ce capitaine nous prend pour des hallucinés. Quelques temps après, les coups sourds reprennent de plus belle. Je rends compte cette fois au commandant du Génie qui vient également, mais la malchance s'acharne sur nous ; le travail cesse de nouveau.

Dans la nuit du 13 au 14, les bruits se font de plus en plus distincts ; nous rendons compte alors au général Riberpray, notre brigadier, ancien sapeur. Il vient le lendemain, entre dans la galerie d'écoute et observe. on n'entend plus rien : le travail est complètement arrêté ; la mine est sans doute prête. La nuit du 14 au 15 s'écoule dans le plus grand calme. Pas la moindre escarmouche, l'artillerie ennemie est silencieuse. Nous reprenons un peu confiance ; d'ailleurs nous allons être relevé et envoyé au repos le lendemain.

Ma Compagnie quitte la 1ere ligne et occupe la 2e ligne.
Le 15 au matin, debout à 5 heures ; le soleil commence à monter sur l'horizon, quelque rossignols fidèles modulent leurs trilles harmonieuses. Cette quiétude, ce calme, me semble couver une tempête.
Vers 7h45, nous causions bien tranquillement dans l'abri du capitaine lorsque, tout à coup, la terre est agitée d'un frisson horrible, des explosions effroyables déchirent l'air. Je suis projeté à terre, une avalanche de pierres, de débris de toutes sorte, planches, poutres, fusils brisés, s'abat sur notre abri, en même temps qu'une énorme torpille dévaste tout, autour de nous.
Sous une grêle d'obus et de torpilles, je cours à ma section au repos dans des abris d'artillerie, et n'y trouve qu'un seul blessé par éclat d'obus.
Je reçois l'ordre de me porter en 1ere ligne en renfort. Nous réussissons à l'atteindre sous la mitraille ; elle est entièrement bouleversée, méconnaissable ; des rescapés fuient, épouvantés. Je les ramène. Une de nos tranchées n'existe plus ; à sa place un vaste entonnoir de 25 mètres de diamètre sur 10 de profondeur. Partout des débris informes d'arbres déracinés, de poutres déchiquetées. La tranchée de soutien est vide de combattants et déjà les boches s'avancent et occupent l'entonnoir ; j'organise rapidement la défense de cette tranchée. 
J'entends les plaintes des malheureux ensevelis vivants ; d'un éboulement sort un pied qui s'agite ; nous parviendrons 10 heures plus tard à retirer vivant ce soldat, voûté, blanchi, hagard, un vieillard de 22 ans ! Un autre, dont seule la tête dépassait, fut retiré 18 heures après, lorsque nous reprîmes la tranchée. De l'autre côté du boyau éboulé, j'entends un officier allemand : "Moi, officier prussien. Toi, blessé. Nous, pas faire de prisonniers, pas vouloir de blessés, tous fusillés".
La rage me monte au cœur. Je donne l'ordre à mes homme de ne pas faire de quartiers.
Nous parvenons à occuper les deux tiers de la première tranchée, combat de barricades sanglant. Toute la journée, nous nous sommes battus.

A 17 heures, les 9e et 10e compagnies contre-attaquent sur les entonnoirs et réussissent à les reprendre après les avoir écrasés à coups de canon de 90 à bout portant. Il restait encore 10 mètres de tranchée à reprendre. Pendant toute la journée ce fut un combat acharné à coups de canons, torpilles, grenades ; ce n'était qu'une explosion continue. A 10 heures du soir, nous repoussons une nouvelle contre-attaque boche à la baïonnette. A minuit, fusillade intense pour jeter la panique chez les boches et les empêcher de s'organiser dans la partie conquise. Puis, grand calme ; à deux heures du matin, quelques braves volontaires s'élancent, baïonnette au canon, sur leurs anciennes tranchées et s'emparent de la fraction retranchée qui leur restait à conquérir, ainsi que l'entonnoir. Tout le reste de la nuit, nous avons travaillé pour nous organiser dans les décombres de la tranchée reprise. Les malheureux survivants enfouis furent retirés.

Le 18 mars le colonel Riberpray qui commande la brigade mixte et chapeaute toutes les opérations du bois le Prêtre à partir de Mamey est nommé général.  Le 23 mars la brigade mixte est maintenant désignée sous le nom de brigade active de Toul.

L'artillerie de Mamey est toujours très active.

Ce qui entraîne les représailles.

Le 15 mars le génie de la 73e division entreprend le creusement d'un tunnel sous la route  entre le bois la Lampe et le bois dit Le Brûlé.

L'emplacement de ce tunnel a été retrouvé.

Mamey abrite depuis plusieurs mois l'État-major de la 73e division. Il semblerait que c'est un officier de cet État-major, prénommé Jean (il dit avoir un bureau tout au bout de la rue de l'église) qui ait pris ces photos datées de mars 1915.

La photo est prise du clocher de l'église, au premier plan à droite c'est le presbytère.

Photos difficilement situable

Photo prise à côté de l'église, on distingue le mur du cimetière (1er plan gauche).

Au QG de la Première Armée de nouvelles opérations sont projetées  pour la fin du mois et le début avril. On veut attaquer sur Thiaucourt, prendre le bois le Prêtre  et atteindre les lignes de communications allemandes dans le vallée du Rupt de Mad. On veut en fait réduire le "saillant de St Mihiel". Dans ce but La Première Armée est renforcée par tout un corps d'armée, le 12e CA avec 2 divisions, la 23e et 24e division et la 32e Brigade prélevée sur le 8e CA. 

Fin mars des renforts arrivent sur tout le secteur. 

Le 26 mars 2 bataillons du 29e régiment d'infanterie viennent cantonner dans la forêt de Puvenelle, à Jonc Fontaine,  pour être mis à disposition de la brigade active.

Le 28 mars, le colonel commandant la 32e brigade vient à Mamey pour y préparer l'installation de son État-major.  

Le 29 mars la zone attribuée à la 73e division est réduite, son État-major quitte Manonville, le général Lebocq va s'installer à Dieulouard,  le 13e régiment d'infanterie arrive à Dieulouard pour la renforcer et l'État-major de la 32e Brigade s'installe à Mamey. 

 

Le 30 mars l'action s'engage, une nouvelle attaque est lancée sur le Quart en Réserve au Bois le Prêtre. Elle suit les prescriptions données par la Première Armée le 26 mars.

Sur tout le front de la 73e division, jusqu'à Regniéville, des actions offensives sont engagées. 

Le 30 mars le 29e RI s'installe sur la ligne au sud-ouest de Fey.

Le 31 mars au Quart en Réserve, la ligne de VIII est prise 

et le  village de Fey est repris par le 169e RI.

Le 31 mars la 146e brigade quitte la 73e division pour être rattachée au 31e C.A. (corps d'armée).

Les possessions allemandes du Bois le Prêtre se réduisent encore en ce mois de mars. Mais l'ennemi reste fortement retranché et extrêmement combatif. Chaque pouce de terrain est remporté au prix du sacrifice de nombreuses vies. Environ 220 "Loups" du 167e Régiment d'Infanterie sont tombés lors des combats de mars 1915.
Une nouvelle action est prévue le 1er avril afin de s'emparer de la partie ouest du Quart en Réserve.

On retrouve dans le témoignage d'Henri Cazin stationné à Mamey comme cuisinier, les principaux événements du mois de mars en particulier le bombardement de Mamey le 23 mars et la préparation de l'attaque du 30 mars. 

Mars 1915 

Samedi 13 : « […] Des mouvements de troupe sont signalés partout. Est-ce le commencement des grandes opérations, je suis tenté de le croire. Le calme relatif qui régnait ici n’existe plus. […] Quelque chose plane dans l’air et donne l’impression que des événements graves vont se produire. Les travaux de toutes sortes, routes, abris, tranchées, sont poussés avec activité. L’intensité du feu est un indice sérieux que des actions partielles sont tentées pour étudier les endroits où la percée est possible ». 

Mardi 16 : « Belle journée un peu brumeuse. Quelques rafales de nos pièces sont tirées espacées régulièrement. Le soir vers 9 heures une attaque a lieu. Nous sortons au bruit et la vue des fusées éclairantes jointe au fracas de la fusillade et aux détonations des pièces et des obus produit un effet saisissant, grandiose et terrible à la fois ». 

Dimanche 21 : « Splendide journée, quelque chose dit que c’est dimanche. Trop beau temps pour être à la guerre. Les aéros sont en l’air, on oublie presque la situation. Dans l’après-midi les obus se mettent à dégringoler et nous rappellent à la réalité. Il en éclate un juste au dessus de la maison. On a tellement l’habitude d’en entendre qu’on n’en a aucun effroi ». 

Mardi 23 : « Le temps est plus frais, un peu couvert, la vue porte loin. Est-ce la cause que les observateurs ennemis nous voient nombreux à travailler dans le pays et nous envoient une douzaine de projectiles. L’un d’eux tombe et éclate à 8 mètres de ma porte, un autre blesse 3 chevaux dont un mortellement et chose plus grave 3 hommes dont l’un est peut-être aussi mortellement atteint. Sur le front quelques salves et tout est calme ». 

Samedi 27 : « […] Des bruits d’une attaque prochaine circulent. Les officiers tiennent conseil tous les jours. Notre colonel, de Riberprey, passé général déploie une activité prodigieuse et paraît assuré du succès. Tout le monde ici a confiance en lui. La canonnade est intense sur St-Mihiel jusqu’à Verdun ». 

Mardi 30 : « Vers minuit une courte fusillade marque l’attaque des petits postes de la route de Thiancourt. Une canonnade intermittente a lieu toute la nuit. Je compte à chaque reprise plus de 100 coups par minute. De 5 à 7 heures du matin, l’ennemi distribue à profusion sur nos lignes des projectiles de tous calibres. À 7 heures, notre artillerie ouvre le feu, cette fois compter les coups est impossible, la canonnade est trop nourrie. Pendant la distribution des vivres vers 7 h 30, un premier projectile fusant éclate à courte distance, puis un second. Je rentre à la maison, l’arrivée continue, nous sommes bombardés. À 8 heures, un percutant tombe en face de ma porte et à quelques mètres sur une écurie contenant 2 chevaux qui sont tués net. Le pot au feu cuit. Nous allons par mesure de précaution retrouver dans un endroit plus sûr nos camarades.[…] ».

http://lagrenouillememoire.blogspot.fr/2014/01/la-guerre-de-1914-1918-vecue-par-henri.html