Avril 1915 : Déplacement des combats vers Regniéville et Remenauville.
Début 1915, le Haut Commandement français envisage la réduction du saillant de
Saint-Mihiel, menaçant dangereusement Verdun.
Joffre ordonne alors une offensive sur les Hauts de Meuse. La Première
Armée renforcée du 12e corps d'armée et la 73e division vont coopérer à ce mouvement
d'ensemble.
Conformément aux instructions de la Première Armée du 26 mars qui demande une attaque principale sur Thiaucourt par le 12e CA (corps d'armée), la 24e division avec ses deux brigades 47e et 48e et la 23e division avec les 45e et 46e brigades se mettent en place.
Situation du front et installation de l'artillerie divisionnaire le 2 avril 1915. On remarquera les nombreuses batteries installées au nord du village de Mamey.
Le 2 avril l'État-major de la 45e brigade et celui du 63e régiment d'infanterie s'installent à Mamey afin de préparer l'attaque sur Regniéville.
Photos prises au village début avril 1915.
Sur la première on voit la partie ouest de l'actuelle rue Paul Blaise, sur la seconde photo on est devant de l'ancienne maison Richy qui a été démolie en 1994. |
Ce sont les régiments de la 45e brigade (63e et 78e RI) qui s'est déployé entre Fey et Remenauville qui vont tenter d'enlever les villages de Regniéville et Remenauville.
Le 3 avril le 63e RI quitte Mamey pour partir à l'attaque de Remenauville.
4 avril : La prise du village de Regniéville a lieu à 5 heures du matin par le 78e régiment, retardé cependant par une erreur de direction faute d'un guide convenable.
Ce même jour les attaques sur Remenauville sont plus compliquées et vont tourner à l'échec pour les 29e et 63e régiments.
Le 29e régiment d'infanterie qui a été rattaché au 12e corps d’armée, est mis sous les ordres de la 23e division d’infanterie. Installé dans le secteur des bois Brûlé et Jolival, entre Regniéville et Remenauville le 2 avril, il reçoit l' ordre est d’attaquer Remenauville le 4 avril avec deux bataillons. A 19 heures, l’attaque se déclenche, après une légère préparation d’artillerie. Dans une obscurité compète, les unités se heurtent aux défenses accessoires de l’ennemi non détruites et sont en but au feu nourri de ses mitrailleuses. Elles ne peuvent progresser. Le lieutenant-colonel Perrin donne l’ordre de rester sur les positions acquises ; l’attaque reprendra le lendemain, au petit jour, après une nouvelle préparation d’artillerie d’une demi-heure, mais tous les efforts pour rentrer dans Remenauville restent vains. (Source ; Historique du 29e RI).
Pour cette attaque ils sont épaulés par le 300e régiment stationné à Domèvre en Haye qui vient en renfort. L'attaque de Remenauville étant fixée à 19 heures, deux bataillons de ce régiment quittent Domèvre à 14 h, ils sont à 18 h au fond de 4 vaux et participent à l'attaque de 19 h. 4 heures de marche pour une distance d'une vingtaine de km
Le 5 avril, le JMO du parc de l'artillerie de la 24e division détaille le nombre de cartouches livrées au 63e RI à Mamey.
L'attaque de Remenauville a entraîné des perte sévères. Pendant les 4 jours de lutte le 63e perd 16 officiers et 500 hommes, le 78e 2 officiers et 200hommes. L'attaque de Remenauville va pourtant se poursuivre avec des régiments qui viennent en relève. Le 63e est relevé par le 107e, et le 126e en 2e ligne est remplacé par le 100e. Le 78e doit conserver Regnéville et attaquer au nord, mais il ne réussit pas à progresser.
Le 6 avril, le poste de commandement du 12e corps d'armée s'est installé à Mamey ainsi que le commandement du génie. Il faut aménager les tranchées dans le terrain conquis et répondre aux consignes de la Première Armée qui demande la reprise des attaques.
A partir du 8 avril c'est le général commandant la 24e division qui prend le commandement de toutes les troupes intervenant sur tout le secteur du douzième corps d'armée. Le 8 avril des troupes de la 48e brigade (126e et 100e RI) relèvent le 107e régiment et un partie du 78e qui tient Regniéville. Le 300e et une partie du 326e relèvent le 29e RI. Le lendemain les attaques des bataillons du 126e et du 100e échouent de nouveau et devant des pertes toujours très élevées, une accalmie dans les combats se dessine à partir du 10 avril. C'est l'artillerie qui prend la relève durant le reste du mois. Mamey qui héberge plusieurs État-major est quotidiennement bombardé.
Limey aussi est fortement bombardé.
Les instructions de la Première Armée du 26 mars qui demandaient une attaque principale sur Thiaucourt par le 12e CA, prévoyaient en même temps une attaque sur Mort-Mare par le 31e CA.
Le 31e CA a été renforcé par la 146e brigade. L'attaque des régiments a lieu les 5,6 et 7 avril. Les combats sont meurtriers. "Les cadavres jonchent le sol en quelques minutes"
Les bataillons qui ont pénétré dans le bois ont du se retirer, les causes de l'échec sont variées selon le chef d'un bataillon du 368e RI.
Le 11 avril la 45e brigade rejoint le 31 corps d'armée et va combattre sur le bois de Mort-Mare. Le 19 avril devant l'importances des pertes des hommes refusent de sortir des tranchées.
Des cas de désobéissance sont signalés dans les rangs du 63e régiment, déjà fortement éprouvé lors de l'attaque de Remenauville.
Un second conseil de guerre a lieu le 24 avril.
Les instructions de la Première Armée du 26 mars qui demandaient une attaque principale sur Thiaucourt par le 12e CA, prévoyaient aussi une attaque sur Vilcey par la 73e division.
Une nouvelle attaque est menée au Quart en Réserve le 1er avril 1915.
L'action engagée n'est pas couronnée du succès espéré et témoigne à nouveau de la détermination allemande à s'accrocher au terrain et ce, quel qu'en soit le prix.
Le 10 avril le secteur du mouchoir est occupé.
Tout le mois d'avril sera marqué par des combats furieux et ininterrompus. Seuls
quelques progrès sont réalisés au nord de Fey dans les tranchées hors bois, près du lieu dit le Gros Chêne.Henri Cazin stationné à Mamey comme cuisinier, va cantonner à Montauville en avril 1915.
Avril 1915
Jeudi 1er avril : « Je ne sais pas si j’écris avec toute ma lucidité car le bruit de l’artillerie nous étourdit et on vit dans un état d’esprit fait d’espoir et d’inquiétude, à la fois d’énervement et de langueur, c’est presque indéfinissable. Cependant les projectiles n’arrivent pas jusqu’à nous. Que doit être en ce moment le cerveau d’un combattant de première ligne ? J’apprends que mon camarade Portier est blessé, peu grièvement heureusement. Ce matin, après avoir dormi normalement malgré le vacarme, je suis réveillé par le bruit des pièces voisines à 3 h 30 jusqu’à sept heures ça tonne partout. Jusqu’à 11 heures accalmie. Puis vers midi l’artillerie de part et d’autre fait rage. Il est certainement impossible à qui n’a pas assisté à pareille chose de se faire une idée d’un pareil bombardement, c’est à devenir fou. Nous avons avancé d’après ce que je puis déduire des renseignements plus ou moins contradictoires d’un kilomètre sur le front, le village de Fey est dépassé, la bataille continue acharnée d’après ce que j’entends. Il est 15 heures, je viens de l’église où 9 malheureux sont déposés, parmi eux un jeune lieutenant tué par un schrapnel au front. Quelle tragique semaine Sainte » !
Vendredi 2 : « Quittant Mamey pour aller cantonner à Montauville : « […] Nous traversons le fameux Bois Le Prêtre qui a coûté tant de braves enfants à la France et tant et tant d’Allemands à la Germanie. Les compagnies du 169e descendent des tranchées où elles soutenaient depuis 3 jours les attaques répétées de l’ennemi. Certaines ont des vides, mais les hommes même des compagnies les plus éprouvées disent que les pertes sont chèrement payées par l’ennemi. Un officier prussien, prisonnier, déclare que si l’attaque se répète encore plusieurs jours, l’ennemi sera forcé de lâcher prise. Il serait temps » !
Samedi 3 :: « Il est 4 heures du soir, j’écris par le plus terrifiant bruit d’artillerie qui puisse exister. Nos pièces sont devant nous, les projectiles nous passent par dessus la tête, c’est à devenir sourd. […] On m’a dit tantôt que Jules Portier est mort des suites de sa blessure au ventre. J’en suis affligé pour sa malheureuse famille. Quel malheur ! Quelle triste et terrible chose que la guerre mon Dieu .[…] La fête de Pâques sera-t-elle plus calme, ce n’est pas dit ? J’ai oublié hier de noter les points désormais historiques où je suis passé. L’auberge Saint-Pierre, la Fontaine aux Serbes à Clos-Bois, autant d’étapes héroïques du 169e sous la direction du colonel de Riberpray, colonel du Génie faisant fonction de général ».
Dimanche 4 : « Les percutants ennemis nous réveillent. Une petite accalmie succède puis, vers midi, le bombardement réciproque recommence. Quel fracas, et cela dure jusqu’au soir. Les nouvelles arrivent confuses, elles se contredisent plus ou moins. Les villages de Regniéville et Remenaunville sont pris par nos troupes. On signale deux compagnies trop avancées dans une situation critique. Il faut les dégager, y parviendra- t-on » ?
Lundi 5 : « À la pluie d’hier succède un temps couvert un peu plus clément. Les hommes relevés des tranchées ne sont qu’un paquet de terre. Ils lavent leurs fusils dans les bassins des fontaines. Les canons ont tonné toute la nuit, presque sans interruption et ce matin jusqu’à midi. Cette fois nous sommes bombardés. […] Nous avançons paraît-il, mais on a peur que nos soldats un peu grisés de l’avancée ne recommencent les fautes du commencement de la campagne, toujours trop ardents et oubliant un peu la discipline si nécessaire en ces instants. Neuf heures du soir, une attaque a lieu encore à Bois Le Prêtre, vers la Croix des Carmes, canonnade effroyable près de nous, les coups succèdent aux coups, c’est indescriptible. Quelle nuit s’annonce pour terminer le lundi de Pâques !
Mardi 6 : « Le canon donne toute la nuit. Les nouvelles du matin sont bonnes. On annonce que six compagnies sont entrées dans le Bois de Mort-Mare. Les lignes allemandes sont enfoncées sur plusieurs points du front ».
Mercredi 7 : « […] Nous apprenons que la situation est bonne en général mais qu’entre Pont-à-Mousson et Mort-Mare y compris, que le choc est rude et que nous maintenons difficilement l’ennemi. Voici 9 jours à minuit que les canons tonnent sans arrêt ou presque, à raison de plus de 100 coups par minute. Quelle profusion de projectiles, c’est inimaginable ».
Jeudi 8 : « […] Nos lignards de retour des tranchées passent, couverts des pieds à la tête de cette vilaine boue jaune de laquelle je n’oublierai jamais la couleur. Le mauvais temps dérange sérieusement les opérations très rigoureuses qui avaient commencé ces jours derniers avec un plein succès. Espérons que ce ne sera qu’un retard au succès décisif. Les pertes sont sérieuses sans être comparables à celles de l’ennemi. Une attaque, cet après-midi, nous a produit un vacarme épouvantable. 400 hommes sont arrivés du dépôt pour combler les vides. J’y retrouve avec le plus grand plaisir quelques camarades du pays ».
Vendredi 9 : « Le réveil, c’est la pluie. […] Les blessés descendent, toujours nombreux ».
Samedi 10 : « Les nouvelles du 169e ne sont pas drôles, grandes pertes en hommes puis de 2 mitrailleuses sont le bilan de l’attaque d’hier soir. Ce soir, réconfortantes nouvelles, le 167 a repris le terrain perdu et plusieurs mitrailleuses allemandes. Un poilu du 167 en rapporte une sur son épaule. Les attaques et contre-attaques à la Croix des Carmes se succèdent à courts intervalles ».
Mardi 13 : « une attaque a lieu l’après-midi. Beaucoup de blessés descendent ».
Mercredi 14 : « Nous quittons Montauville à 8 heures, nous nous installons rue de Prêtres à Pont-à-Mousson. Malgré de nombreux bombardements, la villa a encore bon aspect. Peu de civils hommes, mais beaucoup de femmes, le pays est hospitalier. Tous les jours, visite des taubes qui aujourd’hui laissent tomber des bombes aux environs de la gare ».
Vendredi 16 (à Pont-à-Mousson) : « Un fait qui me frappe et que je note en passant car à mon avis il montre bien l’esprit militaire français. Nous sommes, le sergent Lebert et moi, dans un petit bistro bien tenu. Un groupe de soldats rentre. Trois ou quatre qui sortent des tranchées où ils ont laissé de nombreux camarades et accumulé des tas d’Allemands, viennent tour à tour mettre deux sous chacun pour entendre la musique d’un piano automatique en buvant leur canette de bière. Quel contraste de voir l’esprit si gai de ces hommes en des instants si tragiques ! Il faut paraît-il qu’il en soit ainsi, sans quoi il n’existerait plus d’énergie à opposer à l’opiniâtreté désespérée de nos adversaires. »
Vendredi 30 : « Furieux bombardement l’après-midi, un de nos camarades, Thioust surnommé l’adjudant, a la cuisse traversée par un shrapnel ; c’est notre premier blessé ».
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