Carnet de route de Gabriel DELOR. (octobre 1915)
1er octobre 1915
Nous sommes relevés, nous étions dans les tranchées depuis 8 jours, nous devions rester encore un jour. A 8h, nous partons coucher à Martincourt ainsi que le lendemain.
1 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 5è bataillon reçoit l'ordre de relever le 6e qui se rend à Martincourt pour être dirigé sur une destination inconnue.
2 octobre 1915
On nous annonce que nous partons pour une destination inconnue. Tout le bataillon le 6ème Bataillon et un Bataillon du 311èmequi était au repos avec nous. Des camions arrivent et nous montons nos sacs dedans, il y a 18 camions et nous partons à 6h30. Nous traversons les villes dont les noms
suivent : Manonville, Minorville, Ménil-la-Tour, Lagney.
Là, nous faisons la grande pose pour déjeuner, il est midi ¾. A 2h, nous repartons et nous passons au milieu des vignes. Il y a du raisin en quantité, il y a des cuves sur des voitures tout le long de la route. Nous sautons dans les vignes et dans les cuves pour avoir du raisin.
Enfin nous arrivons à
Lucey. Là nous retrouvons nos sacs. Nous allons coucher dans la salle de bal, toute la section. On va chercher de la paille. Pendant ce temps-là, je vais faire un tour dans le pays, partout on fait du
vin, à toutes les portes, il y a des pressoirs. Je mange du raisin, au moins trois à quatre kilos dans l'après-midi. Le soir, à 8h, je reçois mon colis. Nous nous couchons. Nous nous trouvons très bien Nous sommes beaucoup mieux que dans les tranchées. L’on n'entend plus le canon. Nous avons fait 20 à 22 km dans la journée.
La culture de la vigne est restée sur les côtes de Toul où l'on produit le vin "gris de Toul"
2 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 6e bataillon quitte Martincourt à 7h sous le commandement du lieutenant colonel Echard pour aller cantonner à Lucey ou il arrive à 14 h.
3 octobre 1915
Nous partons à 8h. Les camions reviennent chercher nos sacs et nous passons toujours dans les vignes, alors on continue à manger du raisin. Nous passons par Laneuville (derrière Foug), Trondes, Pagny-sur-Meuse, Troussey, la gare de Sorcy et nous déjeunons dans un champ près du village de Vertusey auprès du canal de la Marne au Rhin. Nous repartons à 2h et nous arrivons à Euville à 3km de Commercy. Nous devons rester plusieurs jours. Nous couchons dans un grenier. Nous sommes très bien, j'ai passé une bonne nuit jusqu'à 6h1/2.
3 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 6è bataillon quitte Lucey à 7h 30 pour aller cantonner à Euville ou il arrive à 14 h 30.
Marche des 2 et 3 octobre 1915 (environ 40km)
4 octobre 1915
A 2h, nous avons eu revue d'effets. Le soir, nous allons aux douches.
5 octobre 1915
Le matin, revue de fusils. Le soir, repos. Nous sommes toujours à Euville.
5 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 6è bataillon reçoit à 23h l'ordre de quitter Euville le lendemain.
6 octobre 1915
Le matin, repos. A 11h, nous apprenons que nous retournons à Regniéville, dans les tranchées. Le soir même, à 1h30, arrivent 50 autobus qui nous emmènent. Notre séjour à Euville n'a pas été long, nous étions très bien. C'est encore le 5ème
bataillon qui va profiter de nos trois jours de repos. Nous repassons par le pays de Vertusey, la gare de Sorcy, Troussey, Pagny-sur-Meuse, Lay-Saint-Remy, Foug, Toul, Manoncourt, Tremblecourt, Domèvre-en-Haye, Manonville et Martincourt. Les autobus nous déchargent là. Il est 5h du soir, nous dînons sur l'herbe et nous montons aux tranchées. Nous arrivons à 10h du soir. Nous dormons dans les abris cavernés.
6 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 6e bataillon est ramené à Martincourt en automobile à 13h 30 et relève le 5e bataillon pendant la nuit.
7 octobre 1915
Repos toute la journée. Nous montons prendre la faction en première ligne jusqu'à 8h du matin. Toute la nuit debout à guetter les boches, ainsi que les torpilles, crapouillots, bouteilles etc… pour qu'ils ne nous tombent pas sur la tête. Nuit noire et froide pendant 13h de fatigue et d'attention. Ce n'est vraiment pas la vie rêvée.
7 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 5è bataillon quitte Martincourt à 5h 30 pour se rendre à Tremblecourt d'où il est transporté en automobile à Euville. Deux obus de 155 tirés par notre artillerie lourde tombent sur Rycklinck et Grignon. Ils blessent un homme de la 8e Compagnie le soldat Sursain Arthur classe 1902; de 20h à 21h bombardement assez violent de Gauthier et de Rycklinck .
Pour
localiser le nom des tranchées citées dans ce récit.
8 octobre 1915
Le matin, les boches sont calmes. J'ai dormi de 11h à 3h de l'après-midi. A 4h30, la 4ème
section vient nous remplacer en première ligne. Nous retournons dans nos abris de bombardement et nous dormons toute la nuit. A 6h, les boches se mettent à nous envoyer des torpilles. Il y en a 3 ou 4 qui viennent tomber près de notre abri, nous renversent les uns sur les autres, soufflent nos bougies. Il y en a une qui est tombée sur un abri où couchaient des hommes de liaison. L'abri était broyé et pulvérisé, les poutres et les toiles déchiquetées. Les poilus n'étaient pas là. J'ai pris 1h de faction pour les signaux d'alerte.
9 octobre 1915
Le matin, nous allons travailler 1h30 dans les tranchées, le soir, de 11h à 3h et la nuit de minuit à 4h. J'ai pris la faction pour les signaux de 11h30 à minuit.
9 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Bombardement de la tranchée Gauthier. Un homme est blessé par grenade à fusil (le soldat Gambier Henri de la 21e Compagnie)
10 octobre 1915
Le matin, repos. L'après-midi, nous creusons des boyaux. Le soir, à 7h30, nous sommes relevés, nous allons dans les cabines près du colonel, dans la
vallée de Jolival (Bois de Beau vallon ?), à 2 km des boches.
10 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Deux hommes sont blessés par balle et torpille les soldats Lépine Adrien 21è Cie et Pichet Julien de la 23è Cie... Le 5e bataillon reste à Euville.
11 octobre 1915
Le matin, repos. L'après-midi, nous allons faire des corvées à Regnéville. Nous portons des torpilles et des rondins de trois mètres de long, nous avons un mal épouvantable à marcher dans les boyaux, surtout dans les tournants. Le soir, nous avons la nuit tranquille.
11 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) De nombreuses bombes et torpilles tombent sur l'ensemble du secteur et du village ...
12 octobre 1915
Le matin, repos. L'après-midi, nous avons été faire des corvées à Regnéville: Porter des planches, des rondins et des chevaux de frise en fer. Depuis le matin, il tombe de l'eau. Le soir, nous devons aller faire une corvée de nuit de piochage, mais au moment de partir, il fait un temps épouvantable, alors on nous donne l'ordre d'aller nous coucher, chose que je fais avec plaisir.
12 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) La tranchée de la Marne et le boyau d'évacuation sont assez violemment bombardés par des 77 venant du bois du Four. Cinq coups de mine sont entendus semblant provenir de l'endroit où les tranchées allemandes traversent la route de Thiaucourt.
13 octobre 1915
Le matin, corvée à Regniéville. J'ai une caisse de munitions à deux sur les épaules. Le soir, corvée de piochage dans un nouveau boyau. Près du colonel et la nuit, nous retournons piocher à 7h du soir près des boches, sur la hauteur et nous sommes à découvert. Aussitôt qu'arrivent les bougies, il faut se coucher à plat ventre. Les balles nous sifflent aux oreilles de temps en temps. Nous rentrons 1h du matin.
13 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le village, Gauthier et Rycklinck reçoivent des bombes pendant presque toute la nuit. Deux hommes sont tués ...
14 octobre 1915
Le matin, corvée à Regniéville. J'ai porté des pieux. L'après-midi, corvée de piochage et le soir, relevés par le 5è bataillon. Nous venons nous coucher dans les baraques à
Martincourt.
14 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Les allemands travaillent à partir de minuit sur tout le front de leur secteur et envoient de nombreuses bombes qui tuent un homme, le soldat Giquel Armand de la 22e Cie et en blessent un autre le Caporal Ragot Lucien de la même compagnie. Le 5e bataillon ramené d'Euville en automobile arrive à 18 h à Martincourt et vient relever le 6e Bataillon.
15 octobre 1915
Le matin, j'ai été me laver à la rivière et l'après-midi, j'ai été chercher les lettres et les colis. Le reste du temps,
j'ai été dans le pays acheter des provisions et limer mon coupe-papier que je fais.
16 octobre 1915
Le matin, douche dans le moulin. L'après-midi, revue d'armes. Le soir, repos.
17 octobre 1915
Le matin, revue et exercices des masques et lunettes pour les gaz. L'après-midi, repos.
18 octobre1915
Le matin, marche sur la route de Regniéville. L'après-midi, corvée d'eau à l'infirmerie. Le reste du temps, repos.
19 octobre 1915
Le matin, corvée de tinette jusqu'à 8h1/2, puis repos. L'après-midi, revue des vivres de réserve et des cartouches.
19 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le 302è reçoit l'ordre de travailler à l'organisation de la 2e position à la suite d'observations faites par le génie qui a cru reconnaître des bruits de sape en avant de la première ligne allemande on décide d'effectuer des travaux de contre sape.
20 octobre 1915
Le matin, repos. A 8h1/2, nous partons au tir et nous revenons à 11h1/2. J'ai fait une balle sur huit (pour son travail artisanal). Le soir, repos.
20 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) A la suite de la visite d'un officier de l'état-major de la 1ère armée les 2 galeries de contre mine dans le secteur du 302e sont arrêtées.
21 octobre 1915
Le matin, repos. L'après-midi, revue par le Colonel Valentin faisant fonction de général de brigade. Il n'a plus qu'un bras. Nous avons été chercher le drapeau dans le village et nous avons été défiler. Nous sommes restés là avec le sac sur le dos pendant 2h, on en avait assez. Nous étions libres à 4h.
22 octobre 1915
Le matin, repos. A 5h du soir, nous remontons aux tranchées et nous prenons la faction de 8h1/2 à 6h. Dans la sape, quelle nuit terrible! Les torpilles et les bombes venaient tomber près de nous et impossible de bouger. On est obligés de rester accroupi pour ne pas être vus des boches. Il y en a une qui est tombée près de moi, je n'ai eu que le temps de me coucher à plat ventre, sans cela j'aurais été réduit en bouillie.
22 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Bombardement assez intense par torpilles et obus de 77 et 105 sur Pellegars, Rycklinck et Grignove. Relève du 5e bataillon par le 6è.
23 octobre 1915
Le matin, les boches sont calmes et je me couche 2h1/2 dans un trou. Nous sommes relevés à 5h du soir et nous nous couchons à 7h dans des abris de bombardements. J'ai pris la faction à la porte dans le boyau en cas d'alerte de 1h à 2h du matin.
24 octobre1915
Le matin, j'écris comme d'habitude à ma petite femme que j'avais reçu mon colis hier soir. L'après-midi, nous allons relever la terre dans un boyau complètement bouleversé par une torpille boche et on est obligés d'être constamment baissés parce que les boches peuvent nous voir. Ils nous envoient des torpilles monstres. Aussitôt que l'on entend partir le coup, on veille à ce qu'elle ne vienne pas tomber sur nous. A 1h du matin, nous allons installer un créneau en fer dans la tranchée de première ligne, les boches nous aperçoivent et nous tirent dessus. Nous rentrons à 3h et nous couchons dans l'abri.
24 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Le lieutenant colonel Echard se rend au repos à Martincourt avec le 5e Bataillon. Bombardement habituel des tranchées et du village.
25 octobre 1915
Le matin, nous allons piocher pour faire des cabinets pendant 1h. L'après-midi, nous allons relever une tranchée qui était complètement démolie par des torpilles. A 3h, les boches nous envoient un bombardement terrible: Les obus, les torpilles, les crapouillots et les bouteilles arrivent de tous les côtés. Nous n'avons que le temps de nous sauver au grand galop. Le soir, à 4h, nous prenons la garde dans la sape jusqu'à 6h1/2. On croit qu'il va y avoir une attaque. Mais tout se calme et nous allons, à minuit, travailler dans les boyaux, qui ont été bouleversés par les obus, jusqu'à 5h du matin et nous rentrons nous coucher.
26 octobre 1915
L'après-midi, nous allons chercher des chevaux de frise en fer pour les porter dans les tranchées de première ligne. Le soir, à 6h, nous sommes relevés par la 22ème Compagnie et nous allons au pays. Nous dormons toute la nuit.
27 octobre 1915
Le matin, repos. L'après-midi, nous allons creuser une tranchée pendant 2h. Nous avons notre nuit libre et j'ai bien chaud dans le foin.
28 octobre 1915
Le matin, nous allons piocher dans la même tranchée que la veille jusqu'à la soupe. Le soir, nous avons repos. Mais la nuit, à minuit, nous allons piocher dans les boyaux démolis par les boches. Ils ont été très tranquilles pendant notre travail jusqu'à 4h, où ils ont envoyé un obus. Pas de crapouillots et de torpilles.
28 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Une patrouille sort de nos lignes pour combler les excavations signalées en A et B en avant de la position allemande Elle fait preuve du plus grand courage et travaille activement. Une dizaine de soldats allemands attirés par le bruit sortent de leur tranchée pour venir les interrompre. Ils sont très violemment repoussés à coups de grenade à main par la patrouille de couverture.
29 octobre 1915
Le matin, nous nous reposons et l'après-midi aussi, ainsi que toute la nuit. A 3h, on nous fait monter nos sacs, un ordre arrive : l'on croit que les boches vont faire une attaque. Nous sommes dans les tranchées, la nuit arrive et il ne se passe sans rien.
30 octobre 1915
Le matin, nous allons faire une petite corvée dans les boyaux du Commandant. A partir de 9h1/2, les boches nous envoient des torpilles énormes sur le pays où nous sommes en réserve jusqu’à 8h ; le bruit est infernal;.ils nous ont envoyé aussi des obus de 210. Le soir, à 8h, nous sommes relevés et enchantés de partir de là. Nous allons au Bois Brûlé (Nord-Ouest de Mamey), dans les cabanes. Nous devons aller à Euville, mais on ne sait rien.
19 octobre 1915 : (JMO 302e RI ) Relève du 6e bataillon par le 5e. Le colonel Echard quitte Martincourt pour Jolival.
31 octobre 1915
Nous sommes tranquilles toute la journée. J'ai été me débarbouiller et changer de linge après le déjeuner. Cela fait vraiment du bien.