Carnet de route de Gabriel DELOR. (janvier 1916)
1er janvier 1916
Nous partons le matin, à 7h, pour Rosières-en-Haye où nous allons passer 9 jours de repos. Notre cantonnement est mieux que la dernière fois. Nous sommes dans un grenier avec de la paille. Nous n'avons pas froid et nous avons touché une couverture en plus.
1 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Le 6e bataillon va à Rosières. Journée assez calme. A 21 h nouvel exercice d'alerte contre les gaz dans les mêmes conditions que le 31 décembre.
2 janvier 1916 3 janvier 1916 4 janvier 1916 5 janvier 1916 6 janvier 1916 7 janvier 1916 |
![]() Église de Rosières-en-Haye peinte par un soldat en avril 1916 |
7 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Par suite de nouvelles affectation d'officier le colonel publie un ordre du régiment modifiant l'encadrement du
302e conformément au tableau ci contre.
8 janvier 1916
Nous avons eu cinéma. L'après-midi, concert, notre ami Libmann, Agathe ?, chanson à Charles. J'ai vu aussi au cinéma un film que j'avais vu avec ma petite femme chérie (Les chercheurs d'or). Cela nous a changé les idées.
9 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Le 5e bataillon est relevé par le 6e.
9 janvier 1916
Nous avons quitté le pays de Rosière-en-Haye et nous déjeunons à Martincourt pour remonter aux tranchées à 5h du soir. Nous allons à l'abri (au Rat Mort). Nous n'avons pas d'eau. Je voudrais bien rester là les 4 jours, mais nous restons assis sur nos sacs et impossible de dormir.
10 janvier 1916
Nous restons à l'abri jusqu'à minuit. Nous partons pour prendre la faction en première ligne, dans l'eau et dans la boue. Comme la dernière fois, la pluie s'est remise à tomber et nous étions gelés. Les boches ont été assez calmes toute la nuit, à part le matin où ils nous ont envoyé au moins 30 torpilles, et des grosses de 100 kg. Elles ne tombaient pas bien loin de nous.
10 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) L'ennemi lance de nombreuses bombes et torpilles pendant toute la nuit sur tout le front du secteur.
11 janvier 1916
Nous sommes relevés à midi, et l'après-midi, nous nous reposons de 5h15 à 6h50. Je prends la faction à l'abri et il nous est impossible de sortir de l'abri, les boches nous envoient des quantités de torpilles et de bombes. Il y en a une qui a failli nous tomber dessus, 10 mn après, on tremblait encore. A minuit, nous avons été en première ligne pour relever de la terre et de la boue. J'avais les pieds enfoncés jusqu'aux genoux, impossible de bouger, quelle misère nous avons, ce n'est pas croyable! Nous rentrons à 3h du matin, bien contents d'être à l'abri de tous ces engins terribles.
11 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Entre 6 et 7 heures et vers vingt heures bombardement d'une durée d'environ quinze minutes par bombe de moyen calibre et grenades à fusil.
12 janvier 1916
Nous sommes montés en première ligne, à midi, dans la tranchée complètement
éboulée, l’on est obligé de marcher à 4 pattes pour ne pas être vus des boches. Quelle nuit terrible nous avons passé! Les torpilles et les bombes nous tombaient de tous les côtés. Nous n'étions pas rassurés du tout, et pas un endroit pour nous mettre à l'abri des éclats. Il faisait un froid épouvantable. Nous avons été relevés à minuit 30, bien contents de se mettre à l'abri. Quelle vie d'enfer nous menons! De 4h3/4 à 6h, nous avons pris la faction à l'abri. Enfin j'ai dormi 2 heures à peu près, assis sur mon sac, j'ai les fesses entamées d'être assis.
12 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) De 15 heures à 16h30de nombreuses torpilles et obus de 105 et 77 tombent sur l'ensemble du secteur
13 janvier 1916
Nous reprenons la faction dans les tranchées à midi. Moi, j'ai pris de 3h à 4h1/2. A cette heure, nous sommes relevés par la 22ème Compagnie, et nous, nous remontons au Colonel dans les cabanes. Nous avons des paillasses maintenant, cela nous a semblé tout bon de coucher sur quelque chose d'un peu doux depuis si longtemps que l'on couche sur du dur.
14 janvier 1915
A notre escouade, nous travaillons à la terrasse d'un réfectoire. Nous sommes très tranquilles, nous sommes très heureux d'avoir quitté les tranchées de première ligne et de ne plus être dans l'eau et la boue.
15 janvier 1916
Toujours le même temps. Nous sommes tranquilles. Je pioche toute la journée. J'ai la nuit bien tranquille et je me repose bien.
16 janvier 1916
Rien de nouveau. Toujours le même travail.
16 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Au cours de la journée le secteur reçoit le bombardement habituel d'obus et torpilles de moyen calibre.
17 janvier 1916
C'est aujourd'hui que nous sommes relevés, nous partons de bonne heure pour Martincourt où nous arrivons à 4h1/2 de l'après-midi. Avant de partir, les boches se sont mis à nous bombarder. Il y a deux pauvres malheureux de la 22ème Compagnie qui sont tués et trois de blessés; il y en a un qui a été tué à l'arrière, dans une cabane où un obus est tombé en plein dedans. Il a eu la colonne vertébrale coupée d'un seul coup. L'autre a été tué en première ligne par une bombe dans notre secteur, à la sape près du
311ème. A quand la fin de cette tuerie ? Cela devient épouvantable.
17 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Journée calme sauf entre 18 et 23 heures ou quelques rafales de 77 tombent dans le village. Le 6e bataillon est relevé par le 5e.
18 janvier 1916
Rien de nouveau. Nous avons été aux douches.
19 janvier 1916
Voilà encore le mauvais temps revenu, de l'eau et toujours de l'eau. Nous allons continuer les cours de signaleur pendant le repos.
20 janvier 1916
De la nuit presque toute la journée. L'après-midi, nous avons eu une séance de cinéma qui n'était pas trop mal pour le prix que l'on paye.
21 janvier 1916
Rien de nouveau. L'après-midi, nous avons été lancer des grenades dans un champ.
21 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) A trois heures une patrouille ennemie de 4 hommes s'avance devant Gauthier; Reçu par un feu très vif les allemands qui la composent se retirent rapidement laissant sur le terrain un fusil des grenades et des cartouches.
22 janvier 1916
Nous avons eu cinéma le soir de 5h à 8h Ah si ! Nous avons été appelés au bureau, tout notre détachement, pour aller en permission le 25 janvier. A part ça, rien de nouveau.
23 janvier 1916
Nous avons eu une revue par le Général de Brigade. A 3h de l'après-midi, il y a des avions boches qui sont venus nous rendre
visite, ils ont été immédiatement chassés par les nôtres et les canons. A part ça, rien de nouveau.
24 janvier 1916
Nous remontons aux tranchées de première ligne. Nous apprenons par le 5ème Bataillon que des boches, au nombre de quatre, se sont introduits dans la tranchée de première ligne; la sentinelle les a aperçus et a tiré dessus. Il y a un boche qui a dû être blessé, car il a laissé son fusil sur le parapet. Ils ont essayé de recommencer la même chose avec nous, ils ont été bien reçus, aussi maintenant il faut faire attention avec tout cela. Nous avons pris la faction de 5h1/2 à minuit.
24 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Relève du 5e Bataillon par le 6e. Le 5e bataillon va à Rosières.
25 janvier 1916
Nous allons faire une corvée au pays: Porter des vieilles grenades que nous avons été chercher en première ligne, pour les remplacer par des neuves. Le soir, nous changeons d'abri, risque à nous faire tous tuer pour rien. J'ai pris la faction de 9h40 à 11h45 à la chicane. Une torpille énorme est venue tomber à quelques mètres de moi et de mon camarade Mellard, heureusement, nous n'avons pas été touchés. A 3h du matin, nous repartons pomper de l'eau dans l'abri du capitaine où il y a 2m d'eau; enfin, nous sommes debout jour et nuit sans aucun repos.
26 janvier 1916
Nous avons été faire des corvées à Regniéville, toute la journée, et aller pomper dans les abris qui sont pleins d’eau. Nous avons pris 4h1/2 de faction aux abris. Jour et nuit, nous sommes debout sans repos.
27 janvier 1916
Même chose que la veille, corvée à Regniéville toute la journée. A minuit, nous montons en première ligne pour 12 heures dans la tranchée complètement éboulée, nous étions, mon camarade et moi, courbés en deux pour ne pas être atteints des balles boches. Nous avons les pieds dans 25 cm de boue. A part ça, la nuit a été calme.
28 janvier 1916
Nous allons pomper, dans la journée, pour sortir l'eau d'un de nos abris. La nuit, nous allons piocher pendant 4 heures en première ligne pour installer une guérite de veilleur.
28 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Journée particulièrement calme Pendant la nuit, coup de fusil, chant et cris de soldats célébrant la fête de l'empereur dans les tranchées ennemies.
28 Janvier 1916 : (JMO 129e brigade p43) Journée et nuit calmes. L'ennemi a du célébrer le fête de l'empereur, de la musique et des chants ont été entendus dans les tranchées pendant la nuit.
29 janvier 1916
Nous allons pomper comme la veille. Le soir, nous sommes relevés pour aller au pays, dans la citerne. A 7h1/2, nous allons faire une corvée pour la génie : vider 300 sacs de terre sur le parapet. Nous rentrons à 9h en nage.
29 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) a 5h 30 tir de barrage exercice sur l'ordre de la brigade. Un allemand le Sergent Siegfried Kramer est tué par un guetteur en avant de D37.
30 janvier 1916
Toute la journée, je me suis reposé, mais j'ai travaillé de 2h à 5h du matin dans les boyaux de la 24ème Compagnie.
30 Janvier 1916 : (JMO 302e RI ) Une embuscade est tendue dans le but de surprendre les Allemands venus pour chercher le cadavre du sous officier; personne n'ayant paru, le corps est ramené dans nos lignes.
31 janvier 1916
Nous avons été libres toute la matinée. L'après-midi, j'ai été piocher ¾ d’heures, et cette nuit, comme la veille, sur la 24ème Compagnie. Il y a un boche qui a été surpris entre nos lignes et les leurs, et qui a été tué par la sentinelle de la 24ème Compagnie. Il y a 4 volontaires qui ont été le chercher la nuit suivante, mais il n'avait aucun papier, il était dans une petite tenue sans arme à l'intérieur de sa veste, nous avons vu qu'il était du 8ème Régiment Bavarois. La nuit suivante, les boches ont été mettre une croix et une couronne à sa place, nous l'avons enterré dans
un cimetière, dans nos lignes. Il avait une horrible blessure faite à la gorge par notre balle. Nous nous demandons pour quelle raison il était venu là, comme patrouilleur ou déserteur; il était décoré de la Croix de Fer.