Carnet de route de Gabriel DELOR. (février 1916)

 

1er février 1916 
Rien de nouveau; je vais, ce soir, faire une corvée avec le génie de 5h à 8h. Après, j'ai ma nuit tranquille.

2 février 1916
Nous sommes relevés des tranchées par le 5ème Bataillon à 6h1/2 du soir, et nous allons au repos au Pont de Metz, dans le vallon. Au moment de me coucher, je suis désigné avec mon ami Baptiste pour aller garder un poste de téléphone dans le vallon Ouest, en colère d'être obligé de me relever et de refaire mon sac. Enfin, nous arrivons à ce poste à 10h du soir, après nous être perdus. Nous sommes là, tous seuls, dans le haut du ravin. Il fait très froid et nous sommes gelés.

Le pont de Metz est plus généralement appelé aujourd'hui pont des "Quatre Vaux". 

 

Situé sur la route Commercy Pont-à-Mousson, c'était un lieu de cantonnement avec de nombreuses constructions, et c'est aussi par là qu'arrivait tout le matériel nécessaire aux combats, armes munitions, aux travaux de tranchées et d'abris. Il possédait son cimetière


2 février 1916 : (JMO 302e RI ) De 19 à 23 heures bombardement du secteur par bombes et torpilles de moyen calibre. Relève du 6e bataillon par le 5e.

3 février 1916 
Aujourd'hui, nous commençons à nous organiser. J'ai été faire du bois en quantité et je fais du feu qui nous réchauffe. Mon ami Baptiste va chercher la soupe et nous mangeons bien tranquilles. 

3 février 1916 : (JMO 302e RI ) Quelques obus et bombes dans la direction de nos cannons de 58. Les Allemands déposent à mi chemin entre nos tranchées et les leurs une couronne et une croix portant l'inscription suivante "Messieurs Prière d'enterrer le sous officier Siegfried Kramer né à Erbelfeld mort pour la patrie le vingt huit janvier 1916 - pris par vous - ses camarades.

4 février 1916 
Rien de nouveau, nous vivons toujours tous les deux dans notre petite cabane. Nous avons du grand vent, les tôles de notre demeure se sont envolées cette nuit.

5 février 1916 
Toujours la même vie dans notre petite cabane et rien de nouveau. On se laisse vivre auprès des tranchées (!). 

5 février 1916 : (JMO 129e brigade p45)

6 février 1916 
Nous sommes toujours dans notre petite cabane. Aujourd'hui, nous avons eu la visite du Président de la République, M. Poincaré en personne, avec le général Joffre. ils ont rendu visite à notre Colonel. Il y avait une quinzaine d'autos et les aéros ont volé constamment au-dessus de notre secteur pour veiller à la garde du Président, toutes les routes étaient gardées par les gendarmes.

6 février 1916 : (JMO 302e RI ) Le Président de la République visite la partie ouest du secteur de la 129e brigade. Il se rend dans deux abris occupés par le 302e.

7 février 1916 
Rien de nouveau, nous sommes toujours dans notre petite cabane.

8 février 1916 
Rien de nouveau, toujours notre petite vie dans notre baraque.

9 février 1916 
Nous avons eu aujourd'hui un temps épouvantable : De la neige toute la journée et toute la nuit en grande quantité. Nous allons passer notre dernière nuit dans notre petite cabane que nous allons quitter avec regrets. 

10 février 1916 
Nous avons quitté notre poste de téléphoniste et nous remontons aux tranchées de première ligne. La terre est couverte d'une épaisse couche de neige et nos boyaux sont encore pleins d'eau et de boue. J'ai pris la faction aux abris de 9h à 10h1/2, et de minuit à midi en première ligne, heureusement que j'étais dans une petite guérite. 

10 février 1916 : (JMO 302e RI ) Journée et nuit calmes ; on travaille activement sur la position à l'épuisement de l'eau qui a envahi les tranchées et le boyaux.

11 février 1916 
L'après-midi, nous sommes tranquilles. Le soir, je prends 2h de faction et, à minuit, je vais en corvée de piochage au Rat Mort pour vider le boyau qui est plein d'eau. Nous montons sur le parapet et je traverse les fils de fer barbelés sur une longueur de 100 m environ. Heureusement, les boches sont tout à fait calmes, il y a bien quelques balles qui nous sifflent aux oreilles. 

12 février 1916 
La neige fond avec rapidité et les boyaux sont pleins d'eau. Nous avons été prendre la faction en première ligne de midi à minuit, à patauger dans la boue; l'eau est passée par-dessus nos bottes et j'ai les pieds gelés depuis. Les boches nous ont envoyé des bombes et des torpilles, mais il y en a très peu qui ont éclatées : la terre est très molle et elles n’éclatent pas. Quelle nuit encore de passée!  

13 février 1916 
Nous nous reposons toute la journée. Le soir à 5h, nous sommes relevés des premières lignes par la 22ème Compagnie, nous remontons au Colonel pour 4 jours, et après, au repos à Rosières-en Haye

14 février 1916 
Nous allons faire quatre corvées à Regniéville par un temps épouvantable: Porter du matériel et des torpilles.

15 février 1916 
Je pars en permission de 6 jours à St Germain en Laye, heureux d'aller revoir ma chère petite femme chérie ainsi que ma petite fille mignonne Yvonne et toute ma petite famille que je n'ai pas vue depuis 6 mois.

  Permission. La bataille de Verdun commence pendant cette permission le 21 février.

26 février 1916  
Me voilà revenu de permission, heureux d'avoir passé 6 jours avec ma petite femme chérie et ma chère petite fille qui, malheureusement, a été souffrante pendant toute ma permission. Je suis revenu avec un copain mitrailleur qui m'a emmené coucher au moulin et, le matin, j'ai retrouvé ma compagnie ainsi que les copains de l'escouade.

26 février 1916 : (JMO 302e RI ) Le 5e bataillon est relevé par le 6e.

27 février 1916 
Nous voulons remonter aux tranchées et, cette nuit, j'ai pris la faction aux abris. A midi, je suis monté en première ligne puisque, à minuit, notre artillerie a fait des bombardements foudroyants sur les boches, toute la journée et toute la nuit, sans arrêt avec des grosses et des petites pièces. Je n'avais jamais entendu de bombardement (aussi) terrible. Toutes les quelques minutes, des rafales d'obus de tous calibres tombaient. Les boches ne nous ont pas répondu, mais ils doivent se demander ce que cela veut dire, ce sont des milliers et des milliers d'obus qui ont été lancés. 

28 février 1916 
Le fort bombardement continue toujours avec la même intensité. Nous avons pris la faction de minuit jusqu'à midi. Les boches ont été tranquilles. Nous pataugeons toujours dans l'eau et la boue.

28 Février 1916 : (JMO 129e brigade p47) Notre artillerie se montre très active , l'ennemi n'y répond que très modérément.

29 février 1916 
Et le fort bombardement a continué toute la journée. Nous avons quitté la faction à midi; l’après-midi nous avons été libres; le soir, j'ai pris la faction 1h1/2 et j'ai été ramasser la boue à 2h du matin dans les boyaux. Après cela, nous sommes rentrés nous coucher.